Ce qu’elle dit des affaires humaines
Ouvrage publié chez Érès au mois de mars 2022
Anne Chateau a lu pour vous cet ouvrage :
L’auteur en est Charles Gardou, anthropologue et professeur des Universités qui consacre ses travaux aux vulnérabilités et à leurs multiples expressions dont il interroge le sens. Il est aussi le père d’une jeune fille atteinte du syndrome de Rett. Dans cet ouvrage, il conjugue sa posture d’anthropologue avec sa place de père.
J’ai lu avec passion beaucoup de ses livres et rends hommage à son investissement dans la cause du handicap. J’aime suivre le développement subtil, voire poétique de sa pensée qui n’en est que plus percutante. C’est pourquoi, nous lui avions demandé de faire la préface de notre précédent livre : Le syndrome d’Angelman – parcours de vie des adultes, ce qu’il avait fait avec beaucoup de gentillesse. Suite à mon mail lui annonçant la parution de mon dernier livre, il m’a écrit : « Votre sous-titre, Lettres à mon fils, m’invite à vous faire part de l’ouvrage que je viens tout juste de publier. Je l’ai également écrit avec ma fille au bout de mes doigts. Assurément, nos écrits respectifs résonneront pour l’un et l’autre. »
De fait, ses mots ont résonné en moi au cours de ma lecture. Les interrogations anthropologiques, politiques et philosophiques qui jalonnent ce livre, lui donnant une portée plus universelle, ont souvent rejoint les intuitions parfois balbutiantes que j’essaie de développer dans mes écrits, conversations et interventions. Ainsi, le questionnement sur la signification d’un Cité inclusive et les conséquences de son contraire : une Cité exclusive.
Comment rendre compte d’une lecture qui « coule de source », qu’on lit comme on suit le cours d’une rivière.
Je me contenterai donc de citer quelques extraits :
« Un jour de novembre, blanc de givre, elle est venue à la vie, déjà fracturée… Créature innocente, elle a commencé de guingois. Comme à bien d’autres, la naissance lui a dérobé le plus sacré : son droit d’enfance, son intégrité et son futur, avec leurs présages d ‘espérance et de liberté. La roue de la fatalité avait tourné et tranché : dès le début, la fanaison éclipserait le floraison…Implacable loterie avec des dés pipés. »
« Pour ma part, je ne me juge savant que de ce qu’elle m’inspire et que je m’efforce de savoir en elle. Elle est l’eau, je suis l’éponge qui absorbe l’écume de sa trajectoire insolite. »
« Les réalités existentielles de celle qui est ma boussole m’ont révélé les limites de ce que l’on dénomme l’inclusion… Bon gré, mal gré, le recours à la notion d ‘inclusion s’est emballé, comme pour combler un vide social… De sorte qu’un flou persistant engendre des conceptions, des politiques et des pratiques aventureuses. On ne peut pas correctement mettre en actes ce qui s’exprime mal… Le risque est de nous laisser entrainer par les mots ou de les laisser penser à notre place … »
« Si les fragilités liées à la maladie, aux limites de la virtuosité intellectuelle ou physique, à l’affaiblissement et à la vieillesse sont naturelles et inévitables, la disqualification et la relégation ne le sont pas. Elles interrompent la marche vers une société inclusive. Une société décente parce qu’elle saura rétablir une proximité avec les plus vulnérables d’entre nous. »
La fragilité de source (editions-eres.com)
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