Témoignages Confinement Angelman

Le vécu de nos ados et adultes Angelman pendant la crise du covid-19 :

Témoignages

Ils ont entre 11 ans et 42 ans.

Ils ont tous le Syndrome d’Angelman. Ils vivent en France, en Allemagne, au Canada ou en Suisse.

Ils ont vécu, comme nous tous, une période tout à fait particulière, certains confinés en famille, d’autres dans leur établissement.

Leurs mamans Edwige, Fabienne, Sandrine, Françoise, Stéphanie, Danièle, Sylvie, Catherine, Christel, Marie-Noëlle, Odile, Anne et un papa, Charles, témoignent.

 

Sidi

 

« Cette période délicate du confinement que nous avons traversé, s’est plutôt bien passée pour Sidi. Il est resté confiné au centre du 2 mars au 6 juin avec ses camarades, soit trois mois, ce qui est très long. Mais Sidi l’a très bien vécu car il s’adapte plutôt facilement aux changements. Il aime être entouré et que ça bouge autour de lui. Le plus dur a été pour maman. Durant cette période, je pouvais l’appeler comme je le souhaitais et Skype à été rapidement mis en place pour que mes familles puissent communiquer aisément avec leur enfant. Généralement je faisais deux Skype et un appel téléphonique la semaine. Je retrouvais Sidi tout joyeux à la caméra et parfois même pressé de retrouver les copains. Le centre nous envoyait également des photos du groupe tous les 15 jours, ils ont appelé cette période particulière « la colonie », comme une colonie de vacances, en s’adaptant aux besoins des enfants. Bénéficiant d’un jardin, ils sortaient par petits groupes. Cette période n’a pas affecté du tout Sidi qui semble aujourd’hui toujours aussi épanoui. Le retour à la maison s’est fait le 5 juin. Je suis allée le chercher au centre et quand il m’a vu, il était très content et moi j’étais tellement envahie par l’émotion que j’ai versé ma petite larme. Sidi était content de me retrouver mais pas pressé de rentrer. Il ne lâchait pas son AMP alors qu’habituellement quand je viens le chercher, il est tout pressé de rentrer, et râle si je prends le temps de discuter avec le personnel. Arrivé à la maison il a été, bien sûr, très heureux de retrouver son frère mais semblait un peu perdu comme s’il ne comprenait pas ce qui se passait. Mais au cours de la soirée, il a très vite repris ses marques et réclamé son fameux carré de chocolat, qu’il n’avait pas oublié ! Le week-end s’est très bien passé et Sidi a beaucoup apprécié sa première sortie à l’extérieur depuis le confinement, il était très joyeux et expressif. Durant le week-end j’ai eu droit à beaucoup de câlins et de « maman » que je n’avais plus entendu pendant ses trois mois. Et le retour le lundi matin au centre s’est également très bien passé. Il a été très heureux de retrouver son AMP et l’équipe du personnel, il voulait faire des câlins à tout le monde et il m’a dit à peine au revoir. Ce qui prouve qu’il se sent bien au centre ce qui est le plus important pour moi. » Edwige

 

Lucas

 

« Le vendredi 13 mars 2020, les écoles ferment leurs portes. En pleine cuisine pour la venue de Lucas ce WE, je reçois un appel de son foyer le même après-midi, m’informant qu’ils mettaient en place le confinement.
J’avais le choix entre prendre Lucas sans avoir une idée de date de réintégration ou le laisser au Foyer.
Travaillant et étant en plus référente COVID-19 pour 24 établissements médico-sociaux, je savais que la période serait chargée et j’ai aussi pensé aux nuits difficiles, à l’occupation de Lucas pendant les journées. J’ai donc décidé, en 5 minutes – la chef de service attendait ma réponse – de laisser Lucas au Foyer.
On est le 10 juin et je ne l’ai toujours pas vu. Normalement, ce sera le 27 Juin avec un retour le soir au foyer sans les contrainte qui sont encore aujourd’hui applicables (masque pendant 14 jours).
Ces quatre mois sont une parenthèse, étrange, hors du temps. Il me manque un bout de lui !
J’ai appelé presque tous les jours au début pour prendre des nouvelles, être rassurée.
Tout se passait bien.
Les choses ont été difficiles la deuxième semaine car le foyer a mis en place l’isolement en chambre… Je vous laisse imaginer mes pensées : pourquoi ? comment va réagir Lucas… et en raccrochant je pose la question « tout va bien au niveau de l’établissement » ; la direction me répond « rien d’alarmant » !
J’ai passé une nuit blanche et j’ai rappelé le lendemain.
En effet, rien d’alarmant, pas de cas positif mais des mesures de précautions pour limiter la propagation. Lucas n’a pas supporté l’isolement, dès le premier repas en chambre, il a bien montré à l’éducateur que ça ne lui allait pas. Tout de suite, ils ont su s’adapter et Lucas a continué à manger seul avec un éducateur dans la grande salle à manger et à déambuler dans l’établissement.
Bien sûr ; il pouvait donc côtoyer plus de monde…
Les semaines passaient, j’appelais moins souvent, deux fois par semaine encore aujourd’hui.
La Visio m’a été proposée assez vite, mais ne sachant pas comment Lucas allait réagir, on n’a pas mis en place. Le simple son de ma voix au téléphone le rendait heureux.
J’ai envoyé des colis toutes les semaines avec ses magazines préférés.
Je suivais de près le coupage des ongles, car ils ne l’avaient jamais fait, l’état de la vêture, les cheveux qui poussaient. Ils ont réussi à couper les ongles et Lucas a accepté le coiffeur !
Je n’ai pas été lui rendre visite derrière une vitre non plus ; quelle frustration !
Le bout de ce tunnel approche et j’ai appris beaucoup de chose sur la capacité à Lucas a être aujourd’hui un adulte différent, mais adulte.
Les équipes sont toujours rassurante et Lucas semble avoir bien supporté ce confinement. Je savais que sa notion du temps n’était pas la même que la mienne, mais là je suis contente, rassurée pour la suite, quand je serais plus là. Le foyer est son lieu de vie. » Fabienne

 

Fabien

« Fabien est resté au foyer depuis le 2 mars jusqu’au 6 juin.
Cela a été très dur pour moi car c’était la première fois que Fabien restait si longtemps au foyer.
Le foyer à vite mis en place des skype avec les familles. Je faisais deux skype par semaine, sa mamie avec sa marraine en faisait un par semaine et Fabien a très bien apprécié cette échange. Il avait un super sourire et quand il voulait arrêter, il nous disait au revoir avec sa main.
Les éducatrices on fait un super travaille pour que Fabien ne s’ennuie pas et elles lui ont bien expliqué la situation covid19. Il a bien supporté le confinement.
Ce qui ne faisait tenir moralement , c’était de voir Fabien heureux. J’ai beaucoup pleuré au début j’avais l’impression de l’abandonner, puis je me suis dit qu’il était protégé vu que je travaillais et que j’étais en contact avec des personnes.
La meilleur nouvelle est arrivée le vendredi 5 juin à 18h. La directrice m’a téléphoné pour me dire que le déconfinement commençait et que je pouvais prendre Fabien ce week-end.
Je suis allé avec son papa le chercher samedi matin quand je l’ai vu, les larmes ont coulé, il a dit papa maman avec un grand sourire et il m’a pris la main et il est parti vers la voiture.
Fabien a vite repris ses habitudes : direction frigo et chocolat. Il a bien dialogué et on a retrouvé les nuits courtes.
C’était le plus beau cadeau de fête des mères que d’avoir mon bébé va moi. J’étais en mode apnée depuis 3 mois : Fabien m’a redonné mon oxygène et mon sourire. » Sandrine

 

Nicolas

« Nicolas est en confinement depuis le 15 mars, date à laquelle il s’en retournait d’une belle fin de semaine avec nous. Notre routine de sa visite toutes les deux semaines a pris une tournure de vide. Vide d’activités, de sortie de son programme de vie, de nous voir, nous, sa famille qu’il aime. Les célébrations de fêtes qui lui font garder le cap sur le temps et qui lui permettent de voir ses frères, cousins et cousines.
Les cheveux, les ongles, les dents qui sont l’affaire des parents ont pris l’eau en attendant le retour à la maison paternelle. Nicolas refuse ces interventions que seul LUI contrôle. L’homme de Cromagnon a cependant gardé son sourire et ses yeux étincelants.
La technologie nous permet de garder contact et nous lui promettons que nous nous reverrons un de ces jours. Les intervenants sont bon avec lui et nous leur faisons confiance. Charles

 

Thibault

« Thibault est resté à la maison durant le confinement. Pour lui qui est externe à raison de trois jours par semaine la question de rester au FAM ne s’est pas posé. Cette période de confinement s’est très bien passée d’abord parce que nous vivons à la campagne avec un grand jardin où il n’a jamais eu l’impression d’être enfermé, surtout avec le temps estival que nous avions, et que j’avais la chance d’avoir ma fille orthophoniste confinée avec nous. Donc je dois dire que pour Thibault c’était un pur bonheur de passer du temps avec sa sœur et pour moi une aide inestimable. Les journées se sont passées entre les animaux (chiens, âne, poneys et poules) le jardinage, l’iPad et le dessin . A l’heure qu’il est il n’a pas encore repris le chemin du foyer mais depuis trois semaines les éducateurs viennent deux à trois fois par semaine l’emmener en pique nique et le promener ! En principe le foyer ouvrira à nouveau après le 20 juin. » Françoise

 

Corentin

« Pour Corentin cette période a été vécu dans un premier temps à la maison. On est allé le chercher et il devait rester avec nous jusqu’au 2 juin. Je ne sais pas exactement ce qu’il en a pensé mais on voyait qu’il se posait beaucoup de questions. On essayait de lui expliquer mais qu’a-t-il compris exactement ? Pourquoi n’avait-il pas le droit d aller au cinéma ? A la piscine ? Dans les magasins ? Au parc ? etc … Pourquoi les balades ne se faisaient que dans les Champs et seulement avec maman ou papa et gribouille le chien ? Il y a eu des jours avec et des jours sans. Des jours où il était calme et posé et où l’on pouvait jouer à plein de jeux ou au ballon et d’autres jours où il exprimait son stress en rouspétant et en nous faisant comprendre qu’il voulait sortir, voir du monde. En plus l’épilepsie s’est invitée dès le début et il a fallu réadapter son traitement. Le sommeil s’est aussi perturbé. Certaines nuits étaient courtes. Puis il est retourné au centre. Il n’a pas compris pourquoi l’éducatrice était venue masquée. Il l’a regardée. On voyait son questionnement dans ses yeux mais il a compris qu’il retournait à l école et après un gros câlin, il a fait au revoir de sa main et il est parti. Lui c était le grand sourire et maman la tristesse. Mais je dois avouer que nous étions fatigués après ces quelques semaines avec Loulou. Au centre il a été très calme les premiers jours le temps de retrouver ses marques et on m’a rassurée. Loulou a repris ses habitudes et il a été très content de retrouver les copains et copines qui lui avaient manqué. Corentin devrait revenir fin du mois ou début juillet. Nous, nous en profitons pour se poser un peu et reprendre notre souffle. Demain mon ange fête son anniversaire loin de nous. Il va nous manquer. Je leur ai fait un gâteau, un peu de douceur dans ce monde compliqué. Vivement que l’on retrouve nos habitudes. Je t’aime mon Loulou d’amour. Marie-Noëlle

 

Frank-Udo

Quand il m’a été demandé de rédiger un témoignage sur notre ange à l’époque du confinement causé par la crise du coronavirus, il m’est venu spontanément à l’idée que Frank-Udo avait vécu ce temps de retrait bien mieux que moi. Ici, à Baden-Wittemberg, nous n’avions qu‘une interdiction de contact pas de confinement. Et pourtant, tout d’un coup, certaines activés à l’extérieur ont cessé : je n’avais plus le courage d’emmener Frank avec moi pour faire du shopping comme entraînement de course avec moi à travers Rastatt. Même à l’extérieur, sur nos chemins habituels, il y avait trop de monde pour moi. Mon cabinet était et est toujours fermé. Ainsi, j’aurais dû avoir plus de temps. Mais non ! Les assistants de Frank ne pouvaient pas venir non plus, alors j’ai dû faire toute seule. Frank a apprécié ces moments de paresse et a immédiatement changé son rythme de sommeil : il s’endormait à 2h30 du matin et dormait jusqu’à 14h. Ceci ne semble pas bon mais c’était quand même un soulagement pour moi car je pouvais enfin faire quelque chose le matin, par exemple des rendez-vous en ligne avec mes patients et le ménage. J’étais très déprimée pendant cette période !

Et puis il y a eu un sauvetage : un membre du groupe allemand Angelman-facebook a demandé si quelqu’un voulait participer à la course « Wing for Life Run », ceci via App. L’année dernière, la course à Zug en Suisse avait été une expérience merveilleuse. J’ai donc accepté et espéré que je réussirais d’une manière ou d’une autre à le faire via App. Il ne me restait plus qu’à trouver de nouvelles voies pour l’entraînement de Frank, des voies qui étaient moins peuplées, et à intégrer à nouveau la course dans ma vie quotidienne. Mon courage pour affronter la vie est revenu. Frank y a pris beaucoup de plaisir, notre condition s’est améliorée, même si elle doit être encore améliorée de façon plus significative.

Mais ce que Frank n’aime toujours pas et il y réagit par une grande contrariété, c’est le fait que ses trois sœurs et leurs maris gardent toujours une grande distance avec lui lors de nos réunions, qui sont maintenant à nouveau autorisées. Comme cela va continuer pendant un certain temps, nous devons tous nous habituer à cette « nouvelle normalité ». Quand l’« ancienne normalité » reviendra-t-elle, nous ne le savons pas encore. Mais nous essayons de tenir le coup ! » Christel

 

Elissa

«  J’ai enfin pu rendre visite à mon Elissa après 3 mois de confinement.
Cela s’est très bien passé et Elissa a pu voir sa sœur sur whatsApp. On a fait un petit tour dans le jardin à côté de la maison. Une heure, cela passe vite !
J’ai pu la revoir cet après midi. Je l’ai rejointe à l’hôpital pour lui faire reconstituer sa dent de devant. Elle a été mise sous Méopa et finalement tout s’est passé très vite. J’avais appréhendé terriblement cette journée.
Pendant le confinement, nous avons eu régulièrement des nouvelles au travers d’appels en visio.
La prochaine étape sera une visite la semaine prochaine et je pourrai la prendre en aller retour à partir du 20 juillet. » Danièle

 

Samuel

« Samuel est resté à la maison depuis que les écoles ont fermé .
Ça s est bien passé dans l ensemble. Nous avons la chance d avoir un grand jardin et d’être à la campagne, on a fait beaucoup de balades avec son déambulateur ou son vélo adapté autour de chez nous et il a fait des progrès. Il a aussi beaucoup dormi (!) ce qui était bien appréciable pour nous pour récupérer .
Du côté de sa santé, ce long repos lui a plutôt fait du bien , ce qui nous a fait remarquer que l’ on doit vraiment veiller à respecter son rythme dans la vie de tous les jours .
Ce qui a été le plus difficile pour lui, c’est le manque de contacts sociaux car il aime avant tout être avec des gens qu’il aime et être tout près d’eux !
Heureusement, on a continué à voir ma maman mais à l’extérieur, pour des balades, en gardant une distance. C’était assez facile à gérer car Samuel ne se déplace pas seul à l’extérieur. Je crois qu’il a bien compris car de temps en temps il arrivait à lui toucher discrètement le bras et il rigolait, les câlins à sa mamie lui manquaient mais il était heureux de la voir chaque fois.
Son papa a été arrêté également deux semaines et demie, il en a profité pour lui faire des câlins non stop, ce qu’il fait habituellement pendant les week-end et les vacances !
Ses maîtresses ont créé un groupe WhatsApp pour la classe, elles y mettaient des idées, des chansons, des messages vocaux et chacun de nous y transmettait des messages ou de petites vidéos pour faire des coucous aux maitresses et aux copains, on y a fêté deux anniversaires.
Samuel a beaucoup apprécié ces échanges ; il recevait également chaque semaine un courrier d’une de ses enseignants avec une petite surprise , bricolage , recette…
Nous avons été très surpris de la manière dont Samuel semblait comprendre la situation, nous lui avons expliqué avec des mots, des pictogrammes et il en a reçu aussi de l école. Il était avec nous quand nous regardions les infos et il levait souvent la tête, il réagissait quand il voyait des images d’hôpitaux surtout. Il a montré une certaine sagesse et beaucoup de patience par rapport à la situation que j avais déjà observée l année précédente quand il avait été hospitalisé avec moi deux semaines et demie pour la mise en place du régime cétogène .
Quand ils ont commencé à poser la question de la réouverture des écoles , il était très attentif et réagissait beaucoup , et le jour où j étais au téléphone avec sa maîtresse pour parler de la rentrée, car j’avais eu le feu vert de ses médecins , il est venu s’asseoir gentiment à côté de moi pour écouter. Le jour de la rentrée, il était aux anges ! Nous pensons également qu’il a bien compris le port du masque ayant vu plein de gens masqués à la télé, au début il montrait les masques avec son doigt et maintenant plus rien.
Samuel a montré beaucoup d’émotion à chaque chose qu’il retrouvait, l ‘école bien sûr mais aussi le simple fait d aller en ville pour un rendez-vous orthopédique l’a rendu euphorique, content de récupérer peu à peu de petits éléments de son quotidien. » Stéphanie

 

Audrey

« Audrey est restée avec nous du 11 mars au 19 mai. Nous avions fait le choix de la garder à la maison avant le confinement. Je me sentais plus rassurée. Nous avons réussi à l’occuper à la maison, et nous sortions 1h/1h30 en voiture ou pour marcher dans des endroits où il n’y avait personne. Nous avons eu la chance également qu’il fasse beau, nous sommes un peu en campagne avec un jardin. Audrey a bien compris le système du papier pour sortir et de la police. Par contre elle nous a souvent montré les magasins d alimentation où elle aurait voulu aller. Les soucis rencontrés furent les nuits de quatre heures et son agressivité. Pour un rien pour un bruit, si je parlais avec un ami etc … elle nous pinçait ou tirait les cheveux, mais nous avions déjà ce problème depuis quelques mois, Il s est amplifié puisque nous étions ensemble vingt heures sur vingt-quatre. Elle a bien vécu ce confinement elle était heureuse et nous aussi malgré tout. Elle a repris sur la Mas pour une période quinze jours. C’était le deal avec la directrice, et la première fois que nous étions séparées deux semaines d’affilée. Lorsque je l’ai amenée le matin, elle ne voulait pas rentrer, son AMP était masquée mais au bout d’un quart d’heure, elle s est décidée. Moi je suis repartie en pleurant. Le soir son éducatrice m a appelée pour me dire que tout allait bien. Audrey avait repris ses habitudes. Aucune agressivité pendant les quinze jours. Et depuis lundi dernier, nous avons repris le rythme normal, internat de semaine et retour le week-end. » Sylvie

 

Pierre-Yves

« Pierre-Yves est rentré à la MAS le 16 mars 2020, comme tous les lundis. On nous appelle l’après midi pour nous prévenir que tous les résidents allaient être confinés pour une durée indéterminée, plusieurs semaines certainement. « Si pierre-Yves rentre samedi comme d’habitude, nous ne pourrons plus l’accepter ensuite »…Nous donnions notre réponse dès le lendemain après avoir beaucoup réfléchi ; je n’aurais jamais pu penser que je pouvais abandonner ainsi mon enfant…mais c’était mûrement réfléchi : qui l’aurait pris en charge si nous étions malades ?
Durant toute la durée du confinement nous avions des nouvelles régulièrement ; son référent nous envoyait très souvent des photos ; rdv skype également une fois par semaine mais Pierre-Yves refusait parfois de nous voir … La seule visite faite nous a beaucoup angoissés, il essayait en vain de nous rejoindre malgré la distance. Les premiers jours on s’affairait pour penser à autre chose, mais l’angoisse montait peu à peu. Habituellement, Pierre-Yves rentrait tous les week-end, nous ne partions en vacances qu’une semaine dans l’année pour le récupérer au plus vite. Problèmes de transit, lui couper les cheveux ou les ongles, tout était pris en charge à la maison.

Pierre-Yves est rentré à la maison le 10 juin après presque trois mois d’absence ! Pas trop d’effusion de sa part, ça ressemble en fait presque à un WE normal.
Arrivé à la maison, il reprend très vite ses habitudes, les bonnes comme les mauvaises… Il mange mieux cependant, mais il a maigri.
Comment a-t-il vécu cette absence ?
Après une journée, il semble déjà s’ennuyer, le mauvais temps nous empêchant de sortir et puis on doit encore respecter un certain confinement. Il nous faudra plus de recul pour analyser son comportement…
Cette longue absence m’a quand même fait prendre conscience que Pierre-Yves a aussi une vie à l’extérieur, qu’il en a besoin, qu’il est demandeur. Son comportement à la MAS a changé ; le confinement a changé le rapport entre résidents et avec le personnel, des liens plus forts se sont créés. Pierre-Yves n’était plus de passage mais avait sa place parmi les autres. L’avenir semble plus serein… » Catherine

 

 Nicolas

« En rentrant d’un long week-end, nous sentons que la pression augmente et nous décidons de garder Nicolas à la maison à partir du 6 mars et d’arrêter les séances kiné en ville.

C’est pour nous, un peu en avance, le début du confinement. Nous avons organisé pendant la semaine la maison et le jardin pour permettre à Nicolas de bien passer cette période de 15 jours croit-on au début mais sans beaucoup de certitude.Les journées sont bien rythmées et Nicolas ne s’ennuie pas. Il semble avoir compris que l' »école -comme il dit- est fermée et qu’il faut attendre le feu vert du Président pour y retourner et même pour sortir hors de la maison ! Il est particulièrement tranquille et s’occuper très bien tout seul. Le matin il regarde ses vidéos et joue avec son iPad. Avec le beau temps on peut déjeuner dehors puis il a décidé de se reposer sur la terrasse après le repas à notre grand étonnement, mais repos bienvenu pour nous car les nuits sont toujours très courtes ! Reprise du ping-pong en fauteuil, pétanque, ballon, jardinage, jeux … Et le vendredi c’est activité cuisine ou plutôt gâteau ! On a même retrouvé son vieux jeu de fléchettes électronique au garage depuis 10 ans et comme toujours il nous a surpris ! Et sa joie nous a fait du bien !!!

Quelle tristesse de ne pas voir la famille surtout les jours de fêtes à souvent pensé Nicolas toujours très demandeur de visites !

On commence notre troisième semaine de confinement total. Nicolas va bien Il a des contacts téléphoniques et visuels avec ses cousines et ses éducs et copains restés au FAM régulièrement. Nous avons même vu Mamie sur Facetime grâce à son infirmière qui organise désormais une séance par semaine ! Il parle beaucoup et dit plein de nouveaux mots. Cette période avec moins de concentration lui permet de développer ses capacités cognitives. Il est très serviable et veut nous aider ! Les jours s’écoulent tranquillement. Avec le beau temps on peut utiliser la piscine et Nicolas peut faire de l’exercice en marchant dans l’eau. le 6 mai, reprise du kiné à domicile pour les massages ! Nicolas est super content de retrouver son kiné ! Nous ne sommes toujours pas sortis. le rythme est pris.

Après deux mois à la maison, reprise le 11 mai pour Nicolas : le FAM a mis en place une rentrée personnalisée et très sécurisée. Le retour en établissement se fait avec la prise de température par la famille. C’est ce qu’on fait le matin pour Nicolas. L’établissement a la possibilité de reprendre la température s’il est constaté que c’est nécessaire, et doit appeler la famille si s’est justifié. Nous nous engageons à ne pas mettre Nicolas en danger Covid lors de ses retours à la maison. On le laisse à son éduc sur le parking à l’entrée du centre 9h 10 et on le récupère à 16h10. Il est très content de reprendre et a préparé son sac. Comme il n’a pas le droit d’avoir son cahier de vie il va emporter son iPad. Nicolas est très content d’y aller. On le laisse à son éducatrice sur le parking où l’accueil se fait toutes les 10 m’. Pour l’instant l’externat n’est pas dans ces locaux habituels et pas de possibilité de prise en charge par les intervenants extérieurs pour éviter les contacts avec les internes. Ils sont 6 adultes de FAM et MAS accueillis dans la salle des fêtes qui a été restructurée. Il reprend deux jours par semaine et nous devons gérer la frustration de ne pas partir tous les matins grâce à son tableau. Après son départ nous nous retrouvons un peu désoeuvrés après ces deux mois non-stop jour et nuit. Et on prend conscience de l’énorme tension et de la fatigue accumulée pendant ces deux mois ! Les retrouvailles le soir sont animées : bonne reprise pour Nicolas (juste une petite heure de crise). On ne parle pas assez du personnel médico-social qui depuis le début se mobilise et répond présent pour accompagner les personnes handicapées accueillies dans les établissements. Des mesures très contraignantes ont été mises en place dans le centre de Nicolas avec désinfection du fauteuil au départ et l’arrivée et tout le personnel est mobilisé dans la bonne humeur. Nous avons reçu le planning de « crise » de Nicolas et chaque jour nous recevons une photo ce qui nous permet de discuter avec lui de sa journée et d’anticiper la journée du lendemain. Parallèlement il y a aussi reprise de la kiné deux fois une demi-heure au cabinet. Il est seul avec son kiné. Il garde le masque toute la séance à notre grand étonnement.Nicolas après deux semaines à mi-temps a repris à temps complet. Il vient de retrouver son copain qui a repris après un mois d’arrêt supplémentaire. Les deux complices sont réunis.

Le week-end dernier nous sommes partis, Nicolas était impatient de retourner au bord de l’étang de Thau, un lieu qu’il adore. Nous avons même pu aller dans son restaurant préféré et au marché, car il y avait peu de monde. La vie se rapproche de la normale, espérons pour longtemps … » Odile

 

 

Gwendal

« Pour Gwendal les choses se sont passées un peu à l’envers. Suite à la première semaine de confinement où il est resté à la maison, l’ime a ré-ouvert et a proposer un accueil pour 8 jeunes dont les familles avaient besoin de répit et n’aurait pas pu continuer sur le même rythme. Gwendal est reparti à l’ime 5 jours par semaine (externat) mais dans un autre pavillon que le sien et avec d’autres éduc et il a beaucoup aimé (nouveau lieu, nouvelles têtes, activités autres et sans stress car toujours au sein de l’ime et les pro connaissaient Gwendal ), Gwendal a eu également 1 semaine d’internat .

Au moment du déconfinement les choses ont changé puisque plus de jeunes ont été accueilli ( 20 environ) il a donc fallu partager puisque le protocole sanitaire , lui n’avait pas changé et que tous les pro n’étaient pas revenus ( 30 salariés étaient répartis sur des structures adultes de l’asso ), c’est ainsi que la 1ere semaine Gwendal a eu 2 jours de prise en charge , depuis tous les salariés sont revenus mais le protocole sanitaire reste le même et une trentaine de jeunes sont présents par jour, donc la aussi il faut partager ( il a 100 enfants et jeunes adultes) et ainsi jusqu’au 26 juin le rythme est de 3 jours par semaine , pour Gwendal c’est lundi , mardi et mercredi . Les jours sont fixés à l’avance, on nous a demandé nos priorités. En principe cela devrait rester comme cela jusqu’au 15 juillet date des vacances mais ils espèrent des nouvelles de l’ARS d’ici la fin de la semaine suite à l’intervention du président .

Gwendal depuis le déconfinement est reparti dans son pavillon avec les éduc habituels et les jeunes aussi . IL semble un peu perdu malgré un emploi du temps et commence à ne plus savoir quand il va à l’ime et quand il n’y va pas , et d’ailleurs les pro ont aussi du mal à organiser les activités car les conditions ne sont toujours pas les même qu’avant . Je trouve aussi que Gwendal est plus (encore) 100MV que d’habitude , et passe d’une chose à l’autre rapidement . Il a dû mal à se repérer car ce n’est pas l’ime normal ni carrément les vacances. A la fin on ne sait plus trop où on en est et les jours de la semaine où il ne va pas à l’ime , il attend le car alors qu’il ne le fait pas le WE. Catherine

 

François

« Lettres à François :

Mon chéri,

Deux jours déjà que tu as été testé au Covid-19, deux jours que je sais que ce virus sournois t’a touché. Il y avait eu deux mails de la Directrice du foyer annonçant que trois résidents étaient malades dont un parti à l’hôpital avec problèmes respiratoires. Cela ne concernait pas ton unité de vie mais je comprenais alors que le danger n’était pas loin. À ce moment-là, j’avais tout envisagé :

– L’épidémie envahissait le foyer et le personnel restait en nombre insuffisant. Tu n’étais pas atteint et je te reprenais à la maison. Étais-tu porteur ? Et moi, l’étais-je ? Comment pouvais-je m’organiser surtout pour les courses ? Quant au sommeil ? L’ennui, le risque que tu « pètes un plomb » ? L’un de deux tombait malade : que se passait-il alors ?

– Au foyer tu étais atteint. Pas sévèrement : comment supporterais-tu le confinement ? Plus sévèrement et tu étais envoyé à l’hôpital : quand tu irais mieux, comment pourraient-ils te garder confiné ? Très sévèrement et tu ne t’en remettais pas. Moi non plus et en proie à la pensée la plus culpabilisante : si je t’avais gardé à la maison…

– Tu passais à travers les gouttes et l’épidémie étais enrayée au foyer…

J’ai eu une partie de la réponse malheureusement : Le 1er Avril (non ! ce n’était pas un poisson d’Avril !). Tôt le matin, le téléphone a sonné. Le nom est apparu sur l’écran : Souad. J’ai tout de suite compris. Tu avais très mal dormi. 38°5, un peu de toux. Direction l’hôpital Béclère à Clamart à 2h du matin où ils t’ont fait le test puis renvoyé au foyer. Coronavirus oblige, aucun membre du foyer n’a été autorisé à t’accompagner. Tu étais seul dans le véhicule du SAMU, seul à l’hôpital (je ne saurai donc jamais comment ça s’est passé pour toi), seul pour le retour au foyer. À quelle heure ? Qui t’a accueilli ? Tous ces gens masqués, avec des blouses, des gants, quel effet cela a produit sur toi ? Ceci restera un mystère. Le soir, le verdict est tombé : positif. Dans la journée, ils t’ont emmené dans l’unité de vie des malades, les Cèdres : nouveau lieu de vie et nouvelle chambre. Un élément inquiétant de plus : comment allais-tu vivre cela ?

Plus que jamais j’ai eu envie de te voir mais c’était impossible, te serrer dans mes bras, t’embrasser. Quelques jours avant on avait communiqué par Skype et tu avais l’air d’aller si bien ! Depuis, j’ai des nouvelles deux fois par jour : c’est moi qui appelle la plupart du temps mais parfois c’est un éducateur. Tu es moins fatigué toujours sans symptômes sinon une plaque rouge, bizarre sur l’épaule) en ce troisième jour et tu t’es adapté facilement à ta nouvelle vie. Chaque coup de fil me rassure un moment mais je sais que ce virus est sournois et que tout peut basculer en peu de temps et quand j’y pense j’ai peur… Dans une semaine, je serai peut-être rassurée… ou peut-être pas…

 

Mon bonhomme,

On approche de la semaine de maladie. Deux fois, trois fois par jour j’ai eu et j’ai encore des nouvelles. Ta fièvre n’a pas remonté. Toutes les « constantes » sont bonnes. On me dit que tu vas bien, que tu te bats raisonnablement contre la maladie, mais que tu es encore très fatigué. On me dit que tu restes confiné dans la chambre que l’on t’a octroyée, celle de Cédric (je ne sais pas qui est Cédric), que tu t’es bien habitué au nouveau cadre de l’unité des Chênes, que tu es raisonnable et que tu as la télévision dans ta chambre. Je t’ai parlé une ou deux fois au téléphone mais je n’ai pas entendu grand chose. Tu souriais, m’a-t-on dit. Plus de Skype car il n’y a qu’une tablette en fonction et comme tu es contagieux… Que donnerais-je pour avoir une petite photo de toi ? Que j’aimerais être Pinocchio pour te serrer dans mes bras ? Tu sais, tu es devenu une célébrité internationale ! Toute la communauté Angelman a eu vent de ta contamination et c’est de toutes parts que je reçois des messages, Allemagne, Grande-Bretagne, États-Unis, Argentine, Canada, Australie… Une star, en somme, dans l’univers Angelman. Le Parc du foyer doit être très beau maintenant mais tu ne peux pas y aller. Ici, dans le jardin partagé, le lilas refleurit. Mais je ne descends pas. Je reste, comme toi, confinée. Je ne veux pas attraper ce virus car je veux être en forme pour toi quand on se reverra. Et je n’ai pas envie de sortir malgré le soleil insolent qui nargue tous les confinés après les avoir boudés pendant des mois et laissé complaisamment la pluie inonder leurs contrées.

 

François chéri,

Matin de Pâques. Je suis levée depuis 5h du matin et je profite de ce moment béni où la nuit enveloppe encore le sommeil des hommes. Chants d’oiseaux et roulement de tambour du périphérique sont les seuls bruits qui parviennent jusqu’à moi alors que je contemple, debout sur le balcon, la lune cerclée de nuages et le lampadaire auréolé de feuillages, ronds de lumière qui se répondent. Aujourd’hui, les cloches ne feront pas le détour par notre balcon pour déposer leurs petits lapins, œufs et poules en chocolat dont la recherche en elle-même est tellement source de bonheur pour toi. Mais je crois savoir qu’une surprise se prépare au foyer qui t’apportera cette joie et cette … gourmandise et égaiera ta journée. Coronavirus ne pourra pas venir entraver ce rituel auquel tu tiens tellement. Hier, j’ai passé la journée dans l’inquiétude car un des chiffres de tes constantes du matin, celui de l’oxygène, n’était pas aussi bon que ces jours derniers et j’ai craint la rechute. Covidom m’a même appelée pour faire le point. J’ai été rassurée par les chiffres du soir.

 

Mon Fils,

Deux semaines que tu as été testé positif et je respire enfin… Le soir de Pâques, je n’ai pas eu de chocolats mais bien plus, des photos de toi, envoyées par le foyer. François en confinement : en train de faire un bricolage, un puzzle, et en train de manger. Apparemment, un des malades a fêté son anniversaire. Ces photos ne te montrent pas de face mais de profil. Tu es concentré sur ta tâche, un peu maigrichon mais c’est normal : tu es convalescent. Je sais que tu resteras dans ce lieu de vie et cette chambre dont on me dit que tu es ravi : lit double, fauteuil confortable et télévision. Je parie que tu ne voudras plus revenir dans ton ancienne chambre. Quand on a touché au luxe… Tu y es pour au moins encore une semaine, peut-être deux. profites-en bien ! Hier soir, je t’ai parlé : tu étais au bout du fil et j’entendais ta voix grave : mamamaman… Je t’ai redit tout mon amour pour toi, mon fils. Hier, le Président a annoncé la durée du confinement pour un mois encore. Pas de surprise : on assumera. Tu es fort et je le suis.

 

Mon cher François,

Cela fait juste deux mois que je ne t’ai pas vu. C’était le mercredi 4 mars, tu te souviens ? Nous étions à Disneyland et tu réalisais ton rêve tant de fois réclamé depuis des mois. Je ne savais pas en te ramenant au foyer que tant de temps passerait sans qu’on se revoit. Tu as vécu une semaine de déconfinement et j’ai pu communiquer avec toi sur Skype. j’ai aussi reçu des photos dont plusieurs dans le parc, sur le trampoline en particulier. Un peu maigrichon mais souriant. Tu as été testé négatif mais un de tes camarades a été testé positif encore après 35 jours. D’où, le reconfinement dans lequel tu es encore.

 

Mon François,

Nous sommes le 9 mai, un samedi. Ton foyer entre en déconfinement. Certains résidents vont revenir petit à petit, bien que le virus circule toujours beaucoup en région parisienne. Le gouvernement a annoncé le déconfinement pour lundi mais la France est coupée en deux : les rouges et les verts. On se croirait dans Koh-Lanta ! (pour ceux qui connaissent) : le conseil a décidé de vous éliminer et sa sentence est irrévocable ! Bon ! Pas tout à fait ! En effet, bien que rouges, nous commençons à nous déconfiner car ce n’est pas un jeu et les règles sont plus floues et flexibles. Ce qui est certain, c’est que le 11 mai ne va marquer pour toi et moi des retrouvailles. Chaque sortie est pour moi un supplice : faire des zig-zags pour éviter les gens dans la rue, suffoquer et suer derrière mon masque, avoir chaque fois l’impression de me mettre en danger pour des bricoles, une tranche de jambon ou une poire ! Le confinement, finalement, je ne déteste pas : je me sens en sécurité chez moi et ce fut une période enrichissante. Je crois que cela va modifier un peu mon rythme de vie par la suite et que je me concentrerai davantage à ce qui est l’essentiel pour moi. J’ai beaucoup dessiné, peint et joué du violon, usé de mon temps comme je l’entendais et me suis adonnée à mes passions plus librement, seule ou par visio-conférence comme pour la peinture et le dessin. J’ai même transformé ta chambre en atelier de peinture mais rassure-toi, ce n’était que provisoire. Ta chambre à la maison reste ta chambre, même si au fond, quand tu es ici, tu n’y vas presque plus. Même la nuit tu n’as pas envie d’y rester ! Tant que le virus circule, déconfinement ou pas, je n’ai guère envie de rencontrer des gens en gardant un mètre de distance et avec un masque. Et je préfère être seule. De même, si je veux te rencontrer et ce serait possible, ce serait en tenant mes distances et avec des modalités à définir qui rendraient cette rencontre frustrante pour les deux. Rien ne me dit que tu voudrais me voir si je ne t’annonçais pas un retour à la maison pour le week-end. Alors, j’attends et je patiente. Quand je viendrai te voir, ce sera pour te dire : rentre dans la voiture, voici ton iPad, direction la maison et on y reste jusqu’à demain soir, comme d’habitude. Et ce sera pour toi et moi le vrai déconfinement. Lundi, tu reviens dans ta chambre et ton unité de vie, plus austères et moins bien encadrées, et j’en suis triste. Tu vas reprendre ta place près de la fenêtre dans le couloir. Je crois que le changement de lieu pendant ta maladie, a été pour toi un peu comme des vacances.

 

Mon cher fils,

Le déconfinement a commencé le 11 mai. Pour toi, cela n’a pas changé grand chose. Tu es reparti dans ton habituelle unité de vie et ceci m’a inquiétée. Je savais que tu allais y retrouver une vie plus terne et que l’organisation du retour des autres résidents allaient détourner l’intérêt des encadrants de toi pour se focaliser sur les arrivants. Et c’est un peu ce qui s’est passé avec en plus, les jours fériés des mois de mai et juin qui déjà, en temps normal, ralentissent la vie et les activités.. J’ai des nouvelles de tes semblables Angelman et autres et de la façon dont ils vivent le confinement et le déconfinement. Chacun a ses problèmes propres. Il y a ceux qui sont restés en famille, qui ont beaucoup apprécié au début et ont commencé à s’ennuyer, ceux qui sont retournés dans leur foyer, de bon gré ou de mal gré ! Il y a leurs parents qui ont dû déployer des trésors d’imagination pour occuper les jours, voire les nuits de leur enfant et qui ont fini par trouver le temps long et se sont épuisés. Il y a ceux qui, comme toi, dès le début, ont été confinés dans leur foyer et que les familles pas vu pendant deux, trois mois. Certains ont commencé à recevoir la visite très encadrée de leurs parents : rencontre facile ou plus compliquée. Certains, pas tous, vont retourner passer leur week-end dans leur famille, comme toi qui seras à la maison le week-end prochain. Quand je te l’ai annoncé par Skype, tu as dit non, un non sans appel alors qu’au Skype précédent, tu avais l’air si ému de me voir. Alors, on verra comment ça va se passer. Il y a toute une procédure à respecter et en plus, il va falloir qu’on se réhabitue l’un à l’autre. Pour moi, ce sera changer mes petites habitudes prises pendant ces trois mois, ranger les ingrédients, fermer frigo et placards, patienter et répéter plusieurs fois les injonctions du type : va te laver les mains, les dents, va te doucher, il est l’heure d’aller se coucher, non, il n’est pas encore l’heure de se lever ni de prendre le petit déjeuner etc. J’ai hâte et j’appréhende…

 

François chéri,

C’est demain… J’ai un trac fou, comme si j’allais passer un examen. On va se revoir. Je m’imagine arrivant devant la grille du foyer, le cœur battant. Je me gare, je mets mon masque, je m’annonce, on m’ouvre, on me fait rentrer, température frontale à la l’infirmerie où on me donne tes médicaments, je t’attends dans la cour, tu arrives en courant et… tu t’agrippes à la petite porte de la grille pour sortir plus vite, tu la secoues, on t’ouvre, je déverrouille la porte de la voiture, tu t’installes et tu regardes sur le siège arrière s’il y a l’iPad ! Bon, ben, ce sera comme d’habitude… Mais pas pour moi…Et pour toi, je ne sais pas. On a vécu trois mois chacun de son côté et j’ai pris conscience que, contrairement à ce qu’on peut croire, je ne suis pas une mère poule puisque je me suis organisée une vie somme toute souvent agréable et centrée sur moi-même. J’ai écrit mon journal du confinement mais toi, tu ne sais pas faire cela et je ne saurai jamais vraiment comment tu as vécu cette période exceptionnelle, étrange et pas toujours heureuse pour toi puisque tu as été malade et beaucoup confiné. Quel François vais-je redécouvrir demain ? La dernière fois qu’on s’est vu, c’était le mercredi 4 mars. Je t’ai amené à Disneyland. Tu me le demandais si souvent et j’étais contente de réaliser ton rêve, d’autant qu’on a pu faire beaucoup plus de manèges que d’habitude et tu as vraiment bien profité. Et nous étions bien accompagné : une si bonne journée ! Quand je t’ai ramené au foyer, je ne savais pas que je ne te reverrai pas pendant trois mois…

 

Aujourd’hui… et le lendemain…Tout s’est passé comme prévu à quelques détails près : il n’y a pas eu de prise de température frontale, tu es sorti dans la cour avant que je sois sortie de l’infirmerie et tu as poussé des hurlements de joie quand tu t’es installé dans la voiture. Les bisous, j’y ai eu droit dans l’ascenseur et puis pendant la nuit, accompagnés de longs discours dont je n’ai évidemment pas saisi le sens mais je sais que tu me parlais, que tu avais tant de choses à dire Pour le reste, oui, tu as saisi l’iPad, oui tu as retrouvé à la maison tes pommes, mon ordinateur, toujours l’iPad et là, tu es en train de regarder un DVD : super woman. Tu as un peu de mal à te concentrer sur une activité et tu en changes un peu trop souvent. Et tu as perdu plus de cinq kilos. Ce sont les seuls indices de ton aventure covid. Je poserai des questions plus précises au foyer sur ce que tu as vécu pendant cette période car ils sont tellement avares de nouvelles précises que j’ai l’impression que tout un pan de ta vie m’a échappé. Je t’ai coupé les cheveux car tu en avais bien besoin et suis fière du résultat. Et on a repris nos petites habitudes comme si on s’était quitté la veille, même les (mauvaises) habitudes de la nuit : tu as squatté mon lit, tu t’es endormi en me prenant la main et tu l’as posé sur ta poitrine pour que le contact ne soit pas coupé pendant ton sommeil ; tu as dormi très peu, deux réveils 1h30, 3h30 et ce fut terminé. J’ai exigé que tu attendes 5h pour prendre le premier petit déjeuner. Il y en a eu deux autres par la suite. On est allé chez tonton et on a fait un apéro en visio avec les autres membres de la famille : tu as eu l’air très impressionné de voir ta tante et très heureux quoiqu’étonné qu’elle soit sur l’écran et non avec nous. Peut-être t’es-tu posé des questions mais je n’y ai pensé qu’après ? Difficile de deviner ce qui se passe dans ta tête puisque tu ne peux pas l’exprimer et qu’on ne fait pas toujours attention à tes muettes réactions. Puis les cousins se sont connectés. On s’est souhaité la fête des mères et j’ai pensé à maman. On a trinqué, puis déjeuné et tu as eu droit à un peu de cinéma. Retour ensuite sans problèmes au foyer. La boucle est bouclée. »

Anne

 

Chacun de ces Angelman a vécu un confinement différent. Tous ont été bousculés dans leurs habitudes. Ils ont tenu bon, et leur famille aussi. Tout n’a pas été rose pour autant, mais on est très fiers d’eux et admiratifs de tout ce que familles et professionnels ont mis en œuvre pour les entourer et les aider à passer cette épreuve :

Cette période riche en émotion et ruptures a finalement mis en lumière la capacité d’adaptation de nos enfants, leur force, leur indépendance aussi, leur attachement à nous, indéfectible, mais aussi à leurs pairs et à leurs éducateurs.

N’oublions pas également l’adaptation des établissements qui ont su s’adapter au mieux en permettant des liaisons vidéo, souvent peu présentes auparavant. Le lien n’a jamais été rompu, même pour ceux qui étaient confinés dans leur famille. La reprise en a été grandement facilitée.

Et surtout nous, les parents des plus âgés avons pu mieux prendre conscience de leur évolution, nous qui les avons vu grandir, et notre regard de parent a évolué car ce confinement imposé nous a aidé à les accepter comme des adultes à part entière.

Syndrome Angelman France – juin 2020

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