Voici un article écrit l’an passé
par Terry Jo David Bichell
et traduit en français avec son autorisation
par Charles de Broin.
Nashville , le 26 Février 2012,
« A Cure for Louie » (un traitement pour Louie)
J’ai appris, lors d’un voyage au Niger il y a longtemps, que l’enfant né après des jumeaux est censé être chanceux, être un porte bonheur ou apporter bonheur et incroyables bienfaits. Je me souviens avoir pensé à cette chance quand j’ai vu le visage tout ridé de Louie à sa naissance alors que le cordon venait d’être coupé.
Louie est né en Février 1999, doux, sociable et avec des nuits blanches comme ses grandes soeurs. Nous ne nous sommes pas inquiétés la première année, puis nous avons cherché une raison de son incapacité à s’asseoir et à ramper et à babiller comme tous les autres bébés à la crèche, et nous avons découvert qu’il était né sans un élément crucial de mon chromosome 15. Il a été conçu à partir d’un sperme intact mais d’un oeuf imparfait. Ironique, étant donné que les deux dernières de ses quatre sœurs aînées étaient issus d’un seul œuf. Celui là s’était divisée en deux et avait donné des jumelles magnifiques, identiques et brillantes.
L’œuf qui a donné la vie à Louie avait un minuscule morceau manquant, tandis que le sperme était parfaitement intact. L’absence de ce petit morceau de l’ADN maternel, en particulier l’absence d’un gène particulier, UBE3A, est responsable du syndrome d’Angelman. Depuis son diagnostic, j’ai rêvé de UBE3A, réfléchi UBE3A, maudit UBE3A et a plaidé avec Ube3a. Pourquoi ce petit morceau n’était pas au rendez vous? Était-ce la bière de trop un soir de fête le mois suivant sa conception? Était-ce mon mauvais comportement quand j’étais étudiante ? Était-ce une malédiction karmique pour mes décisions égoïstes comme jeune adulte? Était-ce parce que le quartier de mes parents au Texas avait été régulièrement aspergé de DDT? Était-ce parce que, comme bonne chrétienne que je pouvais assurer spontanément, moi et ma famille la gestion de façon spontanée cet enfant avec un handicap grave, et nous avions été choisis pour cette tâche par une puissance céleste?
Il s’avère que cette section du génome humain est juste un point faible dans notre code génétique, un morceau qui est sujet à tomber, ou de se réorganiser. Ces gènes disparaissent avant ou lors de la conception sans égard à l’âge, la toxicomanie, le statut socio-économique, la race, l’origine ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle. C’est juste de la malchance.
Lorsque Louie a été diagnostiqué avec le syndrome d’Angelman, on nous a dit, avec une délicatesse toute relative, qu’il aurait une épilepsie sévère et un retard mental sévère, maintenant appelé une déficience intellectuelle par «Les gens biens pensants» en terminologie. On nous a dit qu’il ne pourrait jamais marcher, il pourrait ne jamais manger normalement ou être propre, il serait hyperactif, insomniaque et un danger pour lui-même pendant les longues nuits d’insomnie. Avec de bons soins, il vivrait une vie normale, et il ne dirait jamais un mot. Il semblait que mon mari et moi étions assez malchanceux.
Or qu’en était-il ? Mon mari est un chirurgien cardiaque en pédiatrie, et ses patients sont des bébés nés avec seulement la moitié d’un coeur, ou un coeur avec un élément manquant ou une partie déformée ou un coeur asymétrique. Habituellement, il répare leur énorme malchance cardiaque, et ces bébés fragiles sortent de l’unité de soins intensifs, roses et dynamiques. Ils grandissent et font du sport et reviennent le visiter et lui serrent la main en remerciement.
Je n’ai jamais douté qu’il y aurait aussi un moyen de fixer la pièce manquante de l’ADN de Louie.
Louie a eu la chance d’être né à peine 2 ans après que de brillants scientifiques Art Beaudet et Joe Wagstaff eurent identifié UBE3A maternel comme origine du syndrome d’Angelman. Ils ont également découvert que ce gène correspondant sur le chromosome paternel 15, est en veille, comme chez chacun de nous. Chacun de nous laisse l’UBE3A de son père au repos, utilisant uniquement l’UBE3A de sa mère qui agit correctement. Donc, Louie ne possédait pas l’UBE3A que j’aurais dû lui donner et celui de son père était là, assis, en parfait état mais inactif. Il nous semblait possible, voire plausible, de réussir à faire se lever du canapé et aller dans la cuisine l’UBE3A paternel . Tout ce que nous devions faire était de l’activer d’une quelconque manière, et peut-être Louie pourrait-il marcher, manger, bien dormir, et parler.
Mon mari et moi avons utilisé tous nos moyens médicaux pour aider les brillants scientifiques à réunir leurs idées sur l’éveil du gène paternel dans les essais cliniques et de vrais enfants. Malgré tous les efforts, rien ne fonctionnait. Le UBE3A paternel est resté en ‘sommeil’.
Je suis retournée à l’école à l’âge de 50 ans, à la quête du Saint-Graal moi-même, en tant que doctorant en neurosciences, convaincu que le remède se trouvait presque visible, accessible, un peu plus après la prochaine bosse. Et c’était ainsi.
Par un incroyable concours de circonstances, deux jeunes scientifiques, Ed Weeber en Floride et Ben Philpot en Caroline du Nord , se sont joints à la mêlée et indépendamment l’un de l’autre ont travaillé sur le problème. En Décembre 2011, un peu avant les vacances de Noël, les deux ont publié leurs trouvailles. Le monsieur en Caroline du Nord avait conçu l’une de ces belles expériences tout simplement que je peux maintenant apprécier comme étudiante en neurosciences. Il a utilisé des groupes de cellules obtenues à partir d’une souris génétiquement modifiée et qui brillaient d’une lueur jaune seulement si le UBE3A paternel était allumé. Puis, il a testé une sélection de 2000 médicaments, composés neuro-actifs connus, sur ces cellules et a attendu de voir quels étaient ceux qui brillaient. J’imagine bien son étudiant de premier cycle naïf crier en saisissant la plaquette avec le résultat espéré … la couleur jaune était la !!! « Eurêka! ». Ou peut-être il a simplement pensé que c’était une erreur et a renvoyé le mauvais élève au laboratoire pour recommencer l’expérience jusqu’à ce que la preuve en soit donnée. Étonnamment, de manière inattendue , un médicament, un médicament contre le cancer du cerveau, le Topotecan , a permis à au gène UBE3A paternel d’être activé , transformant la couleur des cellules en couleur jaune, tant espéré. Le Docteur Philpot avait trouvé un moyen de guérir le syndrome d’Angelman. La guérison.
Mais qu’est-ce que cela signifie de guérir une personne ayant une déficience intellectuelle ? Le cerveau ne s’est-il pas développé d’une façon anormale ? Beaucoup de personnes atteintes du syndrome d’Angelman ont ce que l’on appelle une microcéphalie, un crane plus petit. Cela ne signifie-t-il donc pas que leur cerveau n’a pas assez grandi ? Est-ce que cela signifie que la maladie est irréversible ?
Pas nécessairement. Il s’agit d’une question de la structure par rapport à la fonction. Si le cerveau d’Angelman est construit différemment que le cerveau typique, une guérison pourrait sans doute être impensable. Les voies neurales entières devraient être déroulées et rembobinées, les canaux remplis et recreusés, les branches construites là où il n’y avait pas avant. Peut-être pas impossible à réaliser, mais presque.
D’autre part, si le syndrome d’Angelman est une maladie synaptique, tous les neurones sont là, mais connectés d’une façon pêle-mêle, comme des diplomates sans traducteur, alors peut-être un remède pourrait fournir l’ingrédient manquant et les neurones pourraient fonctionner. Quelques jours avant la recherche de Dr Philpot sorties avant Noël 2011, le Dr Ed Weeber a publié une étude distincte sur une autre souche de souris Angelman adultes. Weeber avait donc réussi à implanter le gène UBE3A dans le cerveau de ces souris et les comportements d’Angelman se sont vus normalisés. C’est bien ça! Des souris adultes avec la forme propre à eux du Syndrome d’Angelman deviennent mieux lorsque vous fournissez le gène qui leur manque. Conclusion, ce n’est pas structurel. C’est synaptique!
Dr Weeber avait donc démontré que le syndrome d’Angelman pouvait-être inversé, et Dr Philpot avait trouvé le médicament qui peut l’inverser. Quelle chance!
Bémol. Retenez votre souffle. Il n’y a pas moyen de savoir si le médicament du Dr Philpot qui a été identifié permettra d’améliorer les symptômes d’Angelman chez l’humain avant d’en faire des essais cliniques chez l’homme. Mais, ce que tout cela signifie, c’est qu’il est possible que dans un proche avenir, nous puissions introduire le Topotecan, ou une autre drogue comme celle-là, à un enfant atteint du syndrome d’Angelman, peut-être même à un adolescent, peut-être même à Louie, et d’inverser les symptômes.
Qu’est-ce que ça veut dire? Louie pourra peut-être se pencher vers nous en disant, « passez moi le sel, s’il vous plaît. » ? Pourra t-il courir et sauter ? Pourra t-il rêver ? Peut-être qu’il nous dira toutes les choses qui l’ont tracassées tout ces années, nous confronter avec toutes les conversations que nous avons eues à son sujet et les bêtises que nous avons dites aux autres passagers alors qu’il a était assis sur la banquette arrière de la voiture, en souriant doucement.
Louie a vécu 13 années dans le silence, choyé et servi comme un roi. Oh, nous avons bossé avec lui et répété, répété les même consignes. Nous lui avons appris à utilisé des pictos, à communiquer à sa façon à travers des signes et le fameux iPad. Nous l’avons forcé à suivre des classes de nage, l’hyppothérapie, et toute autre technique qui pouvait démontrer une promesse de succès. Il a beaucoup appris pendant toutes ces années, mais que dire de toutes les leçons qu’il a manquées, ce qu’il n’a pas appris ou compris, camarades et amis qui n’a jamais eu, les sports qui n’a jamais pratiqué ? Même dans les familles les plus actives et consciencieuses, la vie d’un enfant non-verbal atteint de déficience intellectuelle est sévèrement restreinte.
Heureusement, le sourire prédominant et les petits bonheurs sont des autres symptômes bien connu du syndrome d’Angelman. Une «guérison» amènera-t-elle Louie à être aussi anxieux et irritable et désagréable que le reste d’entre nous?
Est-ce important?
Si Louie était né sans jambes, et une équipe médicale fantastique avait inventé une forme de prothèses qui pourrait être implantée de manière permanente, nous aurions vite sauté à l’occasion de lui en donner une paire.
Si Louie était né avec un demi-coeur, nous l’aurions envoyé à un grand spécialiste en chirurgie pour y faire fabriquer l’autre moitié à partir d’un de ses muscles ou de ses tissus.
Si Louie était né avec le gène de la maladie de Huntington et qu’un médicament était découvert que risque de ralentir la détérioration du cerveau causée par l’inexorable mutation, nous n’hésiterions pas à le lui donner.
Curieusement, les gens que je connais ont une réticence à l’idée de donner à Louie un médicament qui pourrait guérir son retard mental. Certains experts de la déficience intellectuelle sont incrédules, comme si je proposais que nous essayons de modifier l’origine ethnique de Louie. Certains éducateurs continuent de dire, comme ils ont toujours fait, que de pousser Louie à acquérir des compétences académiques est peine perdue. Les amis rechignent, affirmant qu’un trouble du cerveau ne peut pas vraiment être « guéri », et que je vis dans un état de déni « rose bonbon ». D’autres parents d’enfants atteints du Syndrome d’Angelman s’offensent, en précisant que ce n’est pas une «maladie», comme le diabète ou le cancer. Pourquoi-pas?
Il est parfaitement acceptable de parler d’un traitement contre le cancer, tout en sachant qu’il pourrait avoir un effet à long terme des tumeurs, même quand celle-ci ont été enlevées et que les médicaments de chimiothérapie fortes et de radiothérapie peuvent provoquer des effets secondaires horribles.
Mais il est très très controversé de parler d’un remède pour le retard mental ou la déficience intellectuelle, de personnes aux prises avec le Syndrome d’Angelman.
On m’a avertie de ne pas utiliser le mot tabou, «guérison». On m’a dit de dire, avec plus de retenue, « un traitement ultra puissant », parce que le mot «guérison» peut conduire les parents naïfs de penser que leurs enfants pourront en toute quiétude sauter, jouer du piano ou de basket, et à l’âge légal, obtenir un permis de conduire. Nous ne savons pas ce que ce médicament va vraiment avoir comme impact.
C’est exactement le point que je veux faire. Nous ne savons pas ce que le médicament pourrait faire.
Il se pourrait permettre aux synapses de Louie de prendre forme soudainement, et d’établir des connections plus rapidement, d’avoir une mémoire plus développée, d’acquérir des connaissances plus vite, d’avoir une meilleure coordination musculaire. Et tout cela peut toujours ne pas lui donner la capacité de parler ou d’atténuer ses crises épileptiques, mais ça pourrait lui permettre de «penser plus rationnellement», et peut-être que cela serait suffisant pour appeler ça une guérison.
Le cerveau est une partie de notre corps, un simple organe. Comme toute personne prise avec une dépression traitable vous dira… le traitement leur fait se sentir eux même, et non déprimées. Une guérison pour la dépression serait un bien béni pour plusieurs. Le syndrome d’Angelman, comme la dépression ou l’alcoolisme est un trouble du cerveau. Il me semble plus irresponsable, plus paresseux, plus égoïste, de ne pas parler d’une guérison pour le syndrome d’Angelman, que de faire face aux effets secondaires et les déceptions inévitables qui viennent avec tout médicaments pour traiter le cerveau.
Nous devons être sensibles à l’idée que le retard mental, au moins celui causé par le Syndrome d’Angelman, peut être guéri dans un laps de temps incluant notre existence.
Nous devons garder un esprit ouvert sur ce qui va se passer dans l’esprit de Louie quand il subira ce «traitement ultra puissant ». Nous devons continuer à l’éduquer aussi bien que nous le pouvons, dans le cas où ce qu’il bâtit comme réserves de mémoire pourrait être débloqué un jour. Nous devons lui permettre d’avoir une vie sociale, dans l’espoir qu’il puisse un jour apprendre communiquer d’une façon plus juste. Nous devons le préparer à être guérie.
Louie n’est pas le syndrome d’Angelman, il a le syndrome d’Angelman comme d’autres personnes souffrant d’asthme, de diabète ou d’alcoolisme. Il sera toujours Louie sans ou avec le syndrome d’Angelman plus contrôlé.
Il sera toujours Louie s’il est moins handicapé intellectuellement. Et il sera incroyablement chanceux.
« Cet article est un peu dépassé maintenant, parce que le ‘Topotecan’ n’est plus le seul traitement en recherche pour le SA, et peut-être n’est-il pas le meilleur, mais les principaux points tiennent encore. » Terry Jo David Bichell (novembre 2013)
op – nov 2013
Merci pour toutes ces informations. nous sommes un peu perdu, notre fils de 18 mois a été diagnostiqué depuis peu.
Pourriez-vous nous contacter pour nous aider et nous faire par de votre expérience.
Merci beaucoup,
Gaelle
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merci pour ces informations mon fils de 3ans et demi je suis vraiment perdu
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